Dans les coulisses d'Autrefois le Couserans,
Autant le programme de la 27 ème édition était établi dans les grandes lignes depuis l'automne 2018, autant la logistique s'activait fortement dans le mois précédent la finale.
Tous les mois, les réunions du conseil d'administration travaillaient sur la trame et la coordination des différentes activités. Le système était bien rodé. Déjà côté mécanique et attelages, tout avait été sorti depuis au moins 3 semaines. Tracteurs, chars, charrettes, charretons, traîneaux prenaient l'air sur la grande esplanade de l'usine de Lorp, base principale de l'association.
Paul menait de main de maître les mécaniciens, les forgerons, les serruriers, les charrons, les dieselistes, les ébénistes. Il y a des moments où l'on avait l'impression, sur le site de la vénérable fabrique des papiers fins et soyeux désormais sauvée des eaux, de se trouver dans l'usine de la Société Française Vierzon! Mais pas que: depuis que le vestiaire flambant neuf avait été fabriqué dans l'ancienne salle des lessiveurs, les va et vient incessant des couturières, Laure, Huguette, Nanou, Chantal et de ceux qui venaient chercher des costumes pour le grand défilé, ne cessaient. Non seulement les habits avaient été recensés, mais encore ils avaient étaient remis en état, lavés et étiquetés. Du travail d'orfèvre.
Les permanences étaient les après midi 23, 25, 26 et 29 juillet. Le succès avait été éblouissant et plus de 500 vêtements avaient été prêtés. La renommée d'ALC ne cessait de s'amplifier. Il est dit souvent que l'habit ne fait pas le moine, mais quand même!
Côté tracteurs, il convenait de démarrer ceux qui ne sortent que le jour de gloire. D'autres sortent un peu plus souvent.
Michel, lui, avec ses assistants charrons peaufinait les réparations des charrettes pour les attelages qui n'étaient pas moins de 19 cette année. Quelle ville de France peut aligner un tel panel?
Les roues sont systématiquement passées en revue, les essieux soulevés et graissés, les timons changés ou réparés. Il avait même fabriqué un timon court de remorquage vu le souvenir cuisant de la manœuvre du bourdaou en 2017 où le timon avait craqué lors d'un braquage top prononcé. N'eut été le reflexe des hommes de main, le fameux bourdaou avait bien failli terminer sa course dans le Salat.
Les batteries, ah les batteries, quelle fanfare! Chaque année il fallait renouveler l'approvisionnement de quelques réservoirs à ampères usagés. Sinon adieu le démarrage de nos chers diesels. La généreuse maison Mazard pourvoyait à une partie des besoins avec des accus de récupération.
Nouveauté 2019: la préparation de l'engrangeur. Ce type d'engin, très courant dans nos campagnes dans les années 50, avant l'apparition des botteleuses avait failli tomber dans les oubliettes. Celui-ci avait atterri dans le patrimoine de l'association et bien remisé à l'abri, il attendait son tour. Paul avait proposé dans une réunion de le préparer, de l'amener à la route des foins le samedi et de le faire fonctionner. Banco! Il avait fabriqué un petit chassis pour poser le moteur CL Conord, aligné les poulies du moteur et du souffleur. L'affaire prenait tournure. Les intrépides Robien, Mathieu et Cyril s'étaient proposés de prendre le sujet en main. Le Gustin (fabrication à Charleville) était prêt. Ce serait le magnifique John Deere 920 qui l'amènerait sur une grande remorque à Saint-Girons et il aurait sa place au défilé.
L'assemblée générale du 12 juillet donnait les dernières touches. La salle de la mairie était comble. C'était de bon augure. Chaque responsable d'activité prenait la parole et déployait le programme.
Cette année, autre nouveauté; les mobylettes qui viendraient avec les vieilles voitures le samedi après midi, faire un petit tour de ville le soir et une escouade qui s'intègrerait dans le défilé le dimanche. Le tracteur gazogène Renault de Viella tant attendu était sur la rampe de lancement. Pour être toujours dans l'originalité, un hélicoptère Alouette III, s'invitait dans les rangs mais cette fois-ci, posé sagement sur une remorque et tout à fait en fin de défilé. Les incrédules étaient majoritaires!
Et la plaquette, l'inestimable plaquette était dans la salle. Tous les participants l'avaient en main. Encore un record avec plus de 180 annonceurs de publicité et pour loger tout ce monde, quatre pages en plus! Tirée à 10000 exemplaires, ce document remarquable extrêmement prisé par toutes les familles, s'expatriait de plus en plus aux quatre coins de la région.
Encore une réunion du conseil le 22 juillet et le compte à rebours était engagé. Cap canaveral, fin prêt?
A partir du 29 juillet la base de Lorp devenait une ruche. Un point parmi d'autres a régler, la répartition des remorqueurs avec leurs chauffeurs. Un étape plus compliquée qu'il n'y paraît et qui a donné parfois du fil à retordre....
La logistique lourde s'est mise en place. Les transports de véhicules à atteler ne sauraient subir une négligence. La programmation était à hauteur de la tâche. Toutefois le déferlement ne pouvait commencer avant le mercredi puisque le foirail n'était pas encore libéré des camions de forains garés là pour la fête de Saint-Girons. En moins de deux jours ce ne sont pas moins de 16 allers et retours avec le B110 et sa remorque, la voiture de Roland avec la remorque de l'association qui ont envoyé au foirail une véritable marée; les deux charrettes de foin, les deux de paille, le pressoir, le râteau, les deux trinque balles, la javeleuse, les faucheuses, le char avec le marbre et le bourdaou.
Vendredi matin à 6 heures, une équipe de commandos monte “la grange éphémère” au square Balagué à côté de l'agence immobilière. Le Gustin est amené à pied d'œuvre l'après midi par l'équipe de Robin. L'hélicoptère rejoint le foirail dans le même laps de temps. Précisons que les pales, par obligation légale, ont été retirées. Ce ne sont pas ces artifices, s'il l'eut fallu, qui auraient fait reculé les légionnaires d'ALC. Après tout un avion de 8 m avait bien été tracté dans Saint-Girons en 2017.
En fin d'après midi les gros moteurs de Longages débarquent. Deux camions remorques sont pleins de moteurs industriels à poste fixe dont le gros Diesel Industrie. La place des capots leur est réservée. Pour le déchargement, le manuscopic de Jérémie est requis. Jean-François a oublié de desserrer le frein à main. La place embaume l'odeur de métal chaud des garnitures métallo frittées. Les deux camions vidés de leur précieux contenu sont parqués au parking du lycée. Ghislain demande à Sebastien, peux tu ramener JEF et Monmon à Longages, ils n'ont pas de voiture? Pas de problème, j'avais prévu d'aller au concert mais ce sera pour une autre fois. Au retour il avait fallu faire un petit somme à Montsaunès. Les journées ont été longues ces derniers temps.
A la ferme à Suzon, l'équipe n'avait pas chômé non plus. Il fallait amener un paquet de palettes pour faire les enclos, de la terre, du buis, le puits, de la paille, des abreuvoirs et divers petits matériels. Le jeudi le groupe de la basse cour dînait dans la cour à Lorp devant la forge.
La moisson du samedi 20 juillet.
Le blé était particulièrement beau cette année. Le grain était prometteur. Deux machines avaient été mises sur la sellette; la lieuse Fahr et la javeleuse. Cette dernière tractée par les bœufs et la lieuse par le John Deere. Le champ ayant été soigneusement détouré les manœuvres n'en étaient que plus facilitées. Dans cette terre noire d'alluvions de type tchernoziom, la céréale si symbolique avait donné tout son talent. Deux beaux chars à quatre roues, une première, avaient été chargés de main de maître et soigneusement remisés à l'abri. Bien entendu, le repas traditionnel de la moisson préparé par les dames d'ALC avait fait suite à ce bel épisode.
Samedi 3 août.
Saint-Girons, la belle cité, était en liesse et bondée de partout. Le marché du champ de Mars était plein à craquer. Le quai du gravier, de même, puisqu'il y avait le vide grenier.
Francis Meric avait demandé à Cyrrhus, tu pourrais m'amener quelques foulards, tu dois bien être placé pour ça? Oh, il y en aura surement à l'office du tourisme, j'irai vous en chercher, quoi de plus facile de m'y rendre en bicyclette récemment dégotée chez Max. Il fallait toutefois faire très attention de ne pas heurter les piétons. Daniel de Lara hèle la jeune estafette et lui demande; tu m'as amené des affiches de Longages? Ah non, je repasserai en début d'après midi en allant au Champ de Mars. Ce sera chose faite, mais quel surmenage!
Au bi petit, ce n'est pas encore la cohue. L'inauguration officielle vient d'étre lancée, désormais rien ne pourrait arrêter l'énorme machinerie d'Autrefois le Couserans. Les taverniers sont en poste. Les réserves sont pleines à craquer. Il y a fort à parier que la fréquentation de ce lieu mythique sera colossale.
A 11 heures le gazo tant attendu depuis des années arrive à destination. Il est parti sur la remorque porte voitures depuis Viella dans le pays du Madiran quelques 2h30 plus tôt. Bernard et David sont accueillis, leur logis à la Maison Blanche leur est présenté, puis ils sont amenés place des capots à la rencontre de JEF.
Vers 11h30, coup de fil de Ghislain; il faut un tracteur place des Capots pour lancer les gros moteurs avec la roue spéciale sur le trois points!
Demande à Paul si on peut prendre celui de Philippe. Paul donne son accord pour foncer. A peine arrivés place des Capots Philippe annonce que l'embrayage est en mauvais état et qu'il ne faut surtout pas s'en servir. L'affaire a capoté! Que faire? Voyons du côté de Christophe au Bousquet. Coup de bol, ce serviable garçon se rend sur la place pour appréhender les lieux et va chercher son gros Renault qui y restera jusqu'au dimanche soir. Bravo Christophe.
Mobylettes et autos font bon ménage.
Enfin à 14h 30, après avoir pris un repas au calme, le costume d'Autrefois le Couserans est endossé sans oublier les bretelles ni le béret. Il fait chaud mais il faudra bien s'y faire. La bicyclette rouge (c'eut pu ête la bleue...) équipée de ses deux gros pneus demi-ballon B 650 est bien utile. Alors direction le Champ de Mars, place cruciale pour ce début d'après midi. Le marché se termine; les étalagistes replient leurs devantures, le camion balayeur de la ville est déjà en piste. Les vieilles voitures arrivent comme par magie et se faufilent silencieusement entre les platanes, telles des beaux clippers qui rejoignent leur quai à petite allure.
Il y en aura 23. Cette année, pas trop de relance pour les automobiles puisqu'il fallait accueillir en plus 50 mobylettes, les motos de Blagnac et les célèbres Solex. Les efforts dans les tenues auront été sensibles. Il y a beaucoup de monde autour des véhicules. C'est un moment de convivialité très sympathique. Les connaissances se retrouvent, le public s'intéresse beaucoup. Les enfants en tenue trouvent place à bord des sièges disponibles. Philippe donne les consignes, juché sur le banc public. Les conducteurs sont attentifs, les mobylettes partent en éclaireur et bloquent les carrefours de l'avenue d'Aulot, du square Balagué, du rond point de la place François Camel, de l'avenue Gallieni et à 15h35 c'est parti pour un tour. Les voitures restent groupées, pas une ne s'égare, aucune “étrangère” ne s'immiscera. La joyeuse cohorte rejoint le boulevard Noël Peyrevidal après le premier tour. Le second sera parfait et à 16h 5 , fin de cette belle étape. Rendez vous chez Faur, les amis, à partir de 20 heures pour le dîner, est il indiqué.
Là bas au foirail dans le même temps, Ghislain et Michel ne sont pas en reste. Ils mettent en place chars et charrettes pour le dimanche matin avec un tracteur. C'est à se demander si Michel n'est pas un fervent lecteur de mémoire d'un enfant du rail d'Henri Vincenot ou s'il n'était pas chef de manœuvre dans les trains dans une vie antérieure tellement il orchestre les allées et venues avec une maestria remarquable!
Le spectacle équestre de Rebecca Perroud.
Le parc du Tribunal est bondé. Le public est réjoui de la qualité du spectacle, de la beauté des chevaux qui évoluent en liberté et obéissent aux ordres de la belle Rebecca sans une fausse note pendant une bonne demi heure.
L'arrivée triomphale de la batteuse.
Pendant que le cortège des voitures et mobylettes se préparait, un convoi inédit arrivait par la place de la poste et gagnait la place Jean Ibanès. Un bel attelage d'un 401 SFV, d'une magnifique batteuse
Braud et de la presse jaune Carroy-Giraudon. L'équipe de Jean-François, Jérémie, Martial, André et Roger place tout ce beau matériel dans un magnifique alignement et procède aux essais après avoir mis les énormes courroies sur leurs poulies. Un coup d'essai est donné, tout ira bien pour demain après midi 16 heures. Le public était déjà massé dans les alentours, passionné par la manœuvre.
La route du foin.
Dans les annales de l'histoire, bien des routes avaient défrayé la chronique; celle de la soie, celle du rhum, celle du sel, celle de la glace (commémorée plusieurs fois à Autrefois le Couserans), celle du papier carbone( aux Papèteries Bergès) , celle du bois et Saint-Girons s'était dit: pourquoi ne pas faire celle du foin? Elle avait commencé deux ans auparavant et Paul avait dit, nous pourrions faire une démonstration avec l'engrangeur Gustin que nous avons dans nos réserves. Il n' y avait qu'un pas à franchir, tout était prêt.
A 17 heures, précédés d'un groupe folklorique les bœufs Salers et Suisses arrivent de leur pas lent et assuré. Au square Balagué, il n'y a pas un m² de libre. Les cavalières de la Maison blanche font un passage très applaudi. Les pur sang arabe sont de toute beauté. La jument espagnole est montée en Amazone. Qui pourrait croire qu'à Saint-Girons, on pourrait se permettre un tel luxe d'animations?
Gilbert B a pris le micro depuis un bon moment et donne force explications avec le concours du président Daniel pendant que les faneurs passent à l'action. Première étape, décharger le foin d'une charrette, faner à la main puis avec la faneuse tirée par un magnifique ardennais. Manque de chance le râteau tiré par la jument de Claude ne daigne pas s'abaisser. Qu'importe, les faneurs prennent le relais et confectionnent un andain. La manœuvre est éblouissante. La charrette est rechargée dans les règles de l'art par Jean. C'est un grand expert de cette discipline éteinte un peu avant les années 60. Vient enfin la mise en route de l'engrangeur. Les intrépides et très amis, Robin, Cyril, Maxime dit Pilou maîtrisent la manœuvre avec un brio inégalable.
Le Gustin est en face de la grange éphémère, le petit moteur CL Conord pétarade au premier coup de lanceur, Mathieu l'accélère et le foin est déversé dans la trémie. Il est recaché presque aussitôt en sortie de goulotte. Pilou et Cyril sont au “boucaillè”, le spectacle est inédit. L'assistance retient son souffle. Beaucoup d'anciens de dire; aujourd'hui, ça va, en plein air, pas de problème mais avant quand il fallait arranger le foin dans la grange avec la chaleur et la poussière envoyée par le ventilo, bonjour les dégâts! Le toit de la grange éphémère va-t-il résister? Oui, oui, il résistera, les compagnons charpentiers d'ALC ont bien consolidé avec les entretoises adéquates.
Pendant cette démonstration mémorable, un terrible coup de pied d'une vache sur une dame âgée aura semé l'inquiétude un long moment. Le lundi fort heureusement, les nouvelles étaient rassurantes.
Cette route du foin, cet extraordinaire fourrage aura sans doute laissé un souvenir impérissable. Oh, si, si, il y avait de quoi en faire du foin!
La soirée et ses animations.
Les “mobylettes” dînaient à l'Union et les “voitures” chez Faur. Après l'effort, le réconfort. Un bon moment de détente permettait au groupe d'évoquer ce bel après midi pendant un repas succulent. Coup de fil de Jonathan; Valentin peut-il prendre sa belle sœur et son enfant sur le char des bandas? Un véritable casse tête que de pouvoir loger les accompagnants sur les tracteurs. La nuit portera sans doute conseil. Les chanteurs du groupent...... entonnent leurs couplets. C'est parfait, rien ne manque, l'ambiance est au top.
Au moment du dessert, l'assistance crut entendre l'arrivée d'un gigantesque essaim d'abeilles; c'étaient les mobylettes qui conformément au programme ont fait deux tours de ville. Les jeunes conducteurs avaient revêtu des tenues de circonstance. L'ensemble était du plus bel effet.
Peu à peu, le monde circulait dans le centre ville regardant de ci de là les différentes animations, danses des groupes, les brûlots de Paul, le bi petit bondé (heureusement que les réserves l'étaient aussi). A 22h35 le feu d'artifice était lancé depuis le palais des Vicomtes. Le Champ de Mars et le Vieux Pont étaient pleins à craquer. Après cette apothéose, les rues se vidaient insensiblement, seul le bi petit connaissait une forte affluence jusque tard dans la nuit. Eprouvant pour les serveurs, bon pour la caisse.
Dimanche 4 août.
Pour les tractoristes dont le port d'attache était à Lorp, rendez vous à 6 heures. Le jour n'est pas encore levé que les premiers moteurs démarrent. Dans un boucan de champ de foire les matelots se hèlent, les chaînes grincent, les boîtes de vitesses craquent, les ordres et contre ordres fusent. Enfin tous les attelages sont prêts. Pour aller à Saint-Girons; il n'y a pas d'ordre établi. Le signal est donné à 7h10. La brigade motorisée de la gendarmerie escorte l'infernal convoi. Raymond est en tête et s'engage sous le hangar. Surtout il n' a pas fallu oublier d'amener le 137 de Benjamin, le benjamin des tractoristes de ce jour et son premier défilé avec son tracteur. Le gazogène Renault AFVH de 1942 et son pulvérisateur Vermorel est pris en remorque par le géant de Doncaster de Marcel. David allumera la chaudière une demi heure avant le départ.
Il y a plus de 30 tracteurs dont la plupart attelés qui s'étirent sur une immense colonne. Le premier est à Pourlande, le dernier sort de Lorp. Paul ferme le ban avec le B110. Une véritable armada entourée d'un nuage bleuté s'élance à la conquête de la cité couserannaise. La colonne est impressionnante. Une véritable croisade! Valentin ne maîtrise pas l'Hispano dont le maniement de la boîte est redoutable. Il restera plus longtemps qu'il ne l'aurait fallu en 3ème. L'agrément lui sera tout de même accordé mais révisions à effectuer. Une fois n'est pas coutume, le rond point Balagué est entièrement octroyé aux tapageurs matinaux voie de gauche, s'il vous plaît, s'agissant bien d'un convoi super exceptionnel. Le boulevard Frédéric Arnaud est envahi par l'immense déferlante à 7h50. Là viendront se greffer ceux de Lasserre, Alain de Sentaraille, ceux de Betchat, ceux de Labarthe, ceux d'Eycheil, ceux de Taurignan-Castet, l'équipe de Hugo de Montardit, la troupe de Salucie et ceux de Prat. Le Saurer est à Saint-Vallier; les autres se mettent à la queue leu leu, parfois en double. Le Boulevard si grand soit-il est entièrement occupé. Il suffit, de se projeter quelques décades en arrière pour se souvenir qu'il était le rendez vous des moutons ( Saint-Girons plus gros marché ovin de France ) et des bovins à Saint-Vallier.
Encore un imprévu; où est passé le conducteur du tracteur qui remorque l'hélicoptère? Paul est appelé pour déplacer cet attelage qui est sous le foirail et grâce au guidage de Gérard, le sort au millimètre près du hangar. La queue de l'aéronef a eu chaud en affleurant l'arche du bâtiment. Au même instant les chars de l'Hispano et du B450 étaient inversés à cause des crochets d'attelage qui n'étaient pas compatibles. Qui n'a pas vu les préparatifs au foirail, manque un épisode pittoresque.
Le petit déjeuner bat son plein à Tutti Frutti après que Paul ait donné les consignes d'usage et rappelé qu'il y a des ardoises disponibles ( qui servent d'affichettes à mettre sur les tracteurs...) pour ceux qui n'en ont pas et que le service des cotisations est ouvert pour encaisser; des sous, des sous!
Au foirail, l'agitation est à son comble. Nanou, Philippe et Daniel orchestrent les arrivées des différents intervenants et leur indiquent leur numéro de position tracé au sol. Le travail a bien été préparé en amont mais ne peut empêcher la fièvre du moment. Il n' y a pas moins de 97 thèmes dont 19 attelages de bovins, un record du genre en France. Entre les chevaux, les chiens, les oies, les chèvres, les vaches, ce qui pourrait être une cacophonie ne l'est pas. La discipline, le sens de l'intérêt général prédominent. Le moment fatidique approche.
Le fond du foirail est réservé a la préparation des attelages. Quelques meuglements des magnifiques bovins étonnés de se trouver là ponctuent l'atmosphère déjà très bruyante. Tous les grands ténors sont venus et vont montrer au public huit races différentes. Pour les chevaux, idem. Les jougs sont posés sur les beaux en cornements sous l'impulsion de l'auguste geste du bouvier, les longues lanières les fixent solidement, encore un coup d'étrille et en place pour l'attelage. Il n' y a aucun faux pas. Chaque char et charrette a une petite plaque en bois gravée au nom du bouvier par les bons soins de Michel. Philippe s'occupe des équins.
Il y a trois chars dits chars à thème remorqués par des tracteurs qui sont logés dans le défilé de “Nanou”: les couturières, la laine de la Bellongue, la caravane de la ferme à Suzon. Qui aurait pu croire une heure avant que cet impressionnant cortège puisse se former et prendre place avec solennité derrière la bruyante cohorte mécanique?
C'est parti!
A 10 heures précises, c'est un véritable séisme qui ébranle Saint-Girons. Avant l'instant crucial, le temps de quelques dixièmes de secondes rien ne bouge puis Paul donne le coup d'envoi. Le majestueux Saurer de Francis, maintenant un habitué, ouvre le bal. Il est suivi du 402 de Roger tout souriant et tous les autres, dans les 80(chut!) suivent pas à pas. Il leur faudra un moment avant de gagner le boulevard du Général de Gaulle. Claude est au micro au rond point et de ses commentaires avisés ouvre le 27 ème festival. Petit à petit l'immense cortège se forme et sort de la matrice du foirail. La foule est massée, partout. Au rond point de l'avenue Gallieni, deuxième poste de commentateur, tenu par Jean-Louis de Radio Couserans. C'est une grande première. Il y a en tout 6 points sonorisés. Du grand luxe. Ce chiffre a doublé en quelques années. C'est bien mérité, non?
Avant la déferlante, Paul arrive en mobylette et vient saluer le public au puissant micro. Richard, venu de Lasserre, fait quelques tours de piste avec sa belle moto Gnome et Rhône. Pau paul du Mas d'Azil est déjà à pied d'œuvre depuis un bon moment, le public est ravi de sa jovialité, c'est un boute en train inégalable!
Au monument aux morts, bien vivant ce jour là, le début de la division mécanique déboule à 10h20, à la même heure que l'année dernière. Le présentateur fait l'éloge vibrant du Saurer. Francis est tout sourire, il est heureux. Les tenues sont au top, les foulards neufs ont été livrés! Les tracteurs ne s'arrêtent pas ou très peu, il y a du taf derrière et il faut que le défilé soit le plus onctueux possible.
Quelques explications sont données sur les marques, un peu d'histoire du machinisme et sur les conducteurs. Presque tous sont du coin sauf deux venus de Belpech avec un rare Hanomag à roues fer de 1928 et un Renault 304 E de 1946. La grande surprise vient de cet incroyable petit Renault AFVH gazogène F.A.C.E.L.de 1942 déniché tout exprès de Viella dans le Gers et en fonctionnement gazogène tout le défilé, s'il vous plaît! Le temps suspend son vol et quelques uns subrepticement de murmurer; c'est une machine à vapeur? David le conducteur et son père Bernard assis sur la vieille Vermorel en remorque n'en reviennent pas. Bien qu'ayant procédé à de multiples essais c'est leur première sortie en grand public et avec un succès total. L'inquiétude s'est dissipée.
Joël de Betchat ne pouvait manquer d'attirer l'attention avec l'Hanomag R40 de son grand-père, le Lanz HR8 de 1937 et l'énorme SIFT TL40 , tous trois repeints à neuf.
Alain débarque avec son Latil et le grand trinqueballe et envoie quelques mots de remerciements au public.
Peu après 10 heures la deuxième partie du défilé fait suite à la mécanique.
Les incontournables Bethmalais ont un grand mérite habillés de leurs splendides costumes très chauds. Le groupe de cavalières de la Maison blanche arrive. La légende raconte que ces belles bourgeoises sont allées aux Etats Unis, y ont fait fortune et ont ramené un cheval pie et un cheval indien.
Tout ce qui suit relève du délire; 19 attelages de bovins sont intercalés entre les différents thèmes. Nina costumée en Bethmalaise mène une paire de gasconnes avec une charrette de foin, le jeune Rémy d'un air insouciant précède ses jeunes bœufs Aubrac. Pierre Nabos tout sourire mène le char du bloc de marbre avec ses rares béarnaises suivi de Daniel Hourquieg dont la paire de Béarnaises également remorque la fameuse javeleuse qui a servi à la moisson. Devant l'assistance ébahie, Francis Bazerque arrive avec les quatre Lourdais qui tirent le trinqueballe “Cazalé”. Quelle beauté, quelle majesté! Il se faisait un sang d'encre en se demandant s'il pourrait tourner dans la rue de la République et prendre le virage du Champ de Mars devant les arcades. Comme une lettre à la poste, ils sont passés!
Ah les femmes et les jeunes filles ont été mises à l'honneur. Voici la simulation d'un accouchement comme autrefois à la maison, plus loin les jeunes mères promènent leurs poupons dans les poussettes d'antan, les couturières sont très appliquées avec leurs machines à coudre Pfaf et Singer, les fileuses de laine de la Bellongue ne perdent pas le fil... Grand mérite encore à Suzon qui a conduit un petit troupeau d'oies. Elles ont bu plusieurs fois en cours de route, les braves palmipèdes. Ce n'étaient pas les oies du Capitole mais celles de Suzon porteuses de messages réconfortants. Arrive l'énorme bourdaou, fierté et symbole d'Autrefois le Couserans, tiré par les Gasconnes de Gérard Respaud. Un monument ce char. Il n'en est pas à sa première sortie. Qui est assise au milieu du Balcon? Renée Bagelet, la plus ancienne bouvière de France. Avec son langage fleuri elle a beaucoup fait rire tout son entourage et emballée de cette extraordinaire ambiance a dit: à l'année prochaine!
Et les chevaux, direz vous? Ils n'ont pas été en reste. La belle Rebecca apparaît avec son magnifique Hafflinger qui marche le pas l'amble et fait des courbettes. Magnifique! Merens et Castillonnais, les races locales incontournables à la robe noire et brun pangaré, montés par de belles écuyères, déclenchent les applaudissements. Un bel ardennais tirant une faneuse, marche de son pas rapide et puissant. L'attelage de Balsareny de 6 chevaux en ligne suscite toujours un grand émerveillement. Leur harnachement est de toute beauté, les meneuses, des princesses! Les mules sont impressionnantes de majesté, de puissance, d'obéissance. Têtu comme une mule est une légende qui ne se vérifie point aujourd'hui.
Calèches, roulotte, tilbury, jardinières ont rappelé la diversité des véhicules hippomobiles.
Les Majorets ne sont pas pas passés inaperçus. Avec leur sono surpuissante et leurs tenues délurées ils ont mené un train d'enfer pendant tout le trajet. L'après midi, rebelote, ils remettront ça dans différents endroits et auront beaucoup de succès.
Tradadou, cors de chasse, porteurs de foin soigneusement répartis par l'énorme travail de Nanou et de Philippe se succèdent. Pau paul en perdrait presque le nord mais c'est un habitué des animations. La fanfare des pompiers de Lavelanet, un spectacle là aussi. Pas une minute ils ne s'arrêteront de jouer au pas cadencé pendant le défilé. Une extraordinaire performance fort appréciée sous une si forte chaleur. Et l'après midi en piste à nouveau!
Leurs confrères suivent avec le Citroën U55 dans lequel a pris place René ex pompier célèbre de Saint-Girons, et le Berliet de 1954. Ghislain et Claude tirent la très vieille pompe à bras et arrosent les spectateurs de ci de là.
La fin s'approche et pour faire dans l'originalité, une fois de plus, se pointe un hélicoptère Alouette III de 1957 porté sur une remorque menée par un Porsche. Rien moins que ça. Il est 12h 40 lorsqu'il passe au Monument aux Morts. Peu à peu tous les groupes se rejoignent au Champ de Mars après avoir franchi le dernier détroit du square Balagué. Sous les vétérans platanes les attelages pourront déposer les jougs, les harnais et les bricoles. Les animaux y resteront à l'ombre jusqu'en fin d'après midi.
Avant le repas, rassemblement sur le perron de la mairie pour la photo de famille et entonner un retentissant Ariejo o moun païs.
C'est l'entracte. Dans les restaurants les fourneaux sont portés au rouge. Rien que pour les figurants du défilé ce ne sont pas moins de 1000 personnes pour lesquelles il faut prévoir les repas. Chaque groupe est affecté dans tel ou tel restaurant. L'organisation en revient à Laurent, un sujet qu'il domine particulièrement bien.
Le square Balagué, la rue Villefranche, le quai du gravier, le Champ de Mars, la place des capots, la place de la volaille regorgent de monde. Il y a fort à parier que même au temps des grandes foires il n' y en avait pas autant. Les groupes déambulent tranquillemant, les connaissances se retrouvent, c'est la décontraction et la joie.
Les tracteurs sont revenus se garer de part et d'autre de la rue Villefranche. Les chauffeurs se rendent à l'Ovallie. Quelques tracteurs se garent devant Gamm Vert après avoir franchi le barrage du pont fermé par un camion du Sictom. Sous le hangar une centaine de convives prennent place. Il est déjà 13h30. La halte va durer jusqu'à 15h30.
Post méridiem,
La fête n'est pas finie. Il y a les ateliers de l'après midi à animer. Salle de la mairie pour l'exposition du thème sur les femmes, salle de l'école Saint-Alary pour les ailes du Couserans, parc du tribunal pour le spectacle équestre, place Aristide Briant pour le ferrage et les expos motos, square Balagué pour la ferme à Suzon, place de Verdun les jeux pour enfants et enfin le traditionnel battage place Jean Ibanès.
Au Champ de Mars Claude et Josy ont la main sur les métiers gourmands. C'est une première pour eux. Un grand jour qui se passe très bien. L'affluence est énorme. Non loin de là au quai du gravier Jean-Michel et Yvette ont réussi à placer non sans mal la multitude de stands. Le succès est complet.
Même avec la puissante sono la voix de JB est dominée par l'incessant brouhaha.
De l'autre côté du Salat, le sifflement des gros moteurs de Jean-François en étonne plus d'un.
Tels des fourmis dans une gigantesque fourmilière, les passants déambulent allègrement dans tous les sens. Saint-Girons appartient aux piétons, au moins pour ces journées grandioses du début août, une habitude ancrée maintenant dans la coutume depuis 26 ans.
Au battage, Jérémie appelle au secours ; où sont les sacs? Enfer et damnation, personne ne les a pris ce matin en partant de Lorp. Que doit penser Cérès, la bienveillante déesse de la moisson? Une année ce furent les fils de fer qui avaient été oubliés, l'année dernière toujours une histoire de sacs, les dépiqueurs avaient eu peur de ne pas en avoir assez.
Frédéric, peux tu m'amener à Lorp, lui demande un membre de l'association?
Dame, oui, j'ai la voiture au lotissement du Parc, allons-y. Finalement, le paquet de sacs est amené discrètement à 16h10 par la rue Eugène Regagnon. La machine est déjà en route, personne n'a soupçonné un instant la tension du moment!
L'ensemble du battage est parfaitement aligné, il baigne dans “l'huile”. L'équipe de Roger, Benoît, Jérémie, Jean-François et Martial est rodée et bien synchronisée. La Braud engloutit la récolte sans indigestion, lancée à toute vapeur par le puissant 402 Vierzon. Derrière, la grosse presse à tête de cheval n' a plus qu'à obtempérer et les aiguilleurs, qui ne sont pas ceux du ciel ceux là, passent le fil dans les aiguilles d'un geste sûr mais prudent. Paille et grain coulent à flot, la récolte est belle et estompe la maigreur de celle de 2018.
L'après midi s'étiole. Quelques tracteurs dont le gazogène regagnent leurs pénates. Philippe appelle ses sbires pour aller charger la paille et les sacs. Ghislain amène la remorque bleue de son oncle et avec Thierry, Damien et Philippe ils embarquent les 12 sacs de blé. Tierry les charroie à Lorp. Ouf, la récolte 2019 est à l'abri.
Ceux de la batteuse détendent les courroies, nettoient la machine et la presse. Benoît dépoussière avec un souffleur de feuilles, il fallait y penser! L'énorme attirail va rejoindre le foirail.
C'est l'heure de la décrue. Les bovins et chevaux sont presque tous repartis dans les bétaillères. Place Guynemer, les charrettes attendront lundi matin pour rejoindre le port d'attache de Lorp. JEF a rechargé les gros moteurs sur les polybennes. A la ferme à Suzon, les animaux de basse cour repartent dans leurs domiciles respectifs. Les structures seront démontées le lendemain. Au quai du gravier le calme succède à la fébrilité des deux derniers jours écoulés. Le benjamin des tractoristes, Benjamin, cherchait désespérément son moniteur pour ramener son tracteur qui attendait sagement depuis 11h au boulevard Noël Peyrevidal. C'est chose faite, il est ramené Allée des Tilleuls, suivi d'un rare Hispano qui était le dernier garé rue Villefranche. Enfin c'est au tour de la remorque de la ferme à Suzon de rejoindre Lorp derrière le petit Farmall Mc-Cormick.
A 21h , dernière étape avec le repas dans la cour de l'école des jacobins. Dans les 90 personnes sont attablées et dégustent dans la joie les mets délicieux du traiteur de l'hôtel de la Tour. Quel soulagement aussi, après une rude journée que tout se soit très bien passé.
Il y avait un boute en train qui demandait de son air ingénu; mais expliquez moi cette histoire de date; il est dit que le premier défilé a eu lieu en 1993, nous sommes en 2019, cela fait 26ans et pourquoi dit-on alors que c'est la 27ème édition?
Son voisin non moins malicieux, lui rétorquait, mais mon brave Philémon, c'est l'histoire des intervalles, comme les piquets dans une clôture, un piquet de plus que d'intervalles!
Dans l'intervalle, la tablée n'en pouvait plus de rire. Par Toutatis, ces Couserannais, des incorrigibles!
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