Jeep, Dodge, GMC et autres jouets de génie…
Août 1972, la moisson à peine finie, la grande Braud 505 tout juste refroidie de son immense labeur, il faut partir suite à l’ordre de mission impérieux du ministère des armées. Après consultation en vain des Maires de Lorp-Sentaraille et de Betchat pour voir s’il n’y avait pas de possibilité de différer ce départ non souhaité.
-Mon pauvre ami s’écrièrent-ils, vous ne pouvez plus reculer, vous n’avez d’autre solution qu’une fois embrigadé de demander une affectation au garage puis que vous êtes branché conduite.
Vous vous rendez compte, il me faut partir chez les Albigeois, moi qui avait tant demandé à m’expatrier dans les lointains territoires d’outre -mer, et en plus c’est un RIMA comme si on pouvait apprendre à marcher sur l’eau dans l’infanterie de marine !
Ainsi ce lundi 4 Août direction la caserne Lapérouse à Albi. L’entrée en matière, comme on peut s’en douter fut épique. Dès le lendemain matin cross, entraînement au parcours du combattant. Puis exercices de tir, pas cadencé, grimpé de corde, toujours et encore cross. Quelle ambiance ! Et quel appétit, heureusement la cuisine était délicieuse. Vers la 3ème semaine du mois, un appel plus retentissant que d’habitude ordonnait à plusieurs soldats de sortir du rang :
-Vous à partir de la semaine prochaine et pour 2 semaines, ferez le stage FRAC : formation rationnelle accélérée de conducteurs. Après quoi vous reprendrez les classes. Ô joie pensèrent les heureux récipiendaires et Marko de se dire : nous allons bien nous entendre avec les moniteurs et tester notre niveau d’expérience : ne pas oublier que nous sommes des Dieselistes chevronnés ! C’étaient déjà des vacances, pendant 14 jours ce fut l’Eldorado : première semaine cours le matin, conduite l’après-midi ; deuxième semaine vice versa. En fin de stage vous passerez le permis voiture et le poids-lourds. Mais le permis voiture, nous l’avons déjà ! Taisez-vous, le permis militaire est supérieur. A la fin de votre service vous pouvez faire convertir le poids lourds militaire en civil et le transport en commun si vous avez l’occasion de le passer.
Bientôt Jeep et U55 Citroën n’avaient plus de secrets. Que les petits chemins autour du Séquestre étaient agréables et le petit casse- croûte délicieux après avoir fait les emplettes à la petite épicerie derrière la caserne ! Par sécurité une estafette faisait toujours le « chouf » pendant la pause au cas où un officier dans l’ennui serait venu faire une petite inspection. L’épreuve du permis, presque une formalité, aucun recalé, théorie et conduite sans fautes. Le principe de la douceur sur l’embrayage avait porté ses fruits, de même que la position des mains sur le volant, le double pédalage et le double débrayage.
Fin septembre nouvelle annonce surprise : les classes finies les compagnies sont réparties dans les centres mobilisateurs régionaux ou CM : Marko se trouve muté à Foix. Bon sang de bonsoir se dit-il me voilà cloué au sol. Au moins là-bas je serai employé au garage. Foix et le Camp Clauzel, 10 mois de colonie de vacances, les dernières. Accueil chaleureux, camaraderie bon enfant, un parc de véhicules magistral. Responsable l’adjudant- chef Ferrafiat, véritable père de famille, mécanicien chef Claude de La Bastide de Sérou. Les nouvelles recrues n’en croyaient pas leurs yeux : U55, Tube neuf (622 2258), 204, GMC de dépannage, Renault camionnette bâchée 402, le petit car Renault, l’incontournable 2CV fourgonnette et incroyable surprise un magnifique Renault E30 (couleur orange agricole s’il vous plaît), qui avait la fonction de bouteur. Devant sa calandre avait été fixée une grosse plaque d’acier qui supportait un gros pneu de camion. Rien de plus simple pour pousser et démarrer les véhicules qui étaient sortis de leur hangar de stockage après avoir été engorgés d’huile par le filtre à air, moteur allumé jusqu’à étouffement dans un beau nuage de fumée. C’était un montage simple et efficace. Rien ne s’abîmait et les apprentis s’amusaient comme des fous avec cet adorable tracteur, le dernier modèle à essence de la Régie équipé du très bon moteur frégate culbuté qui avait aussi équipé le R 3046 (alors que les 3040, 3041, 3042 avaient eu le 85 latéral).
Les trois autres hangars, après celui du garage, étaient bourrés de Dodge 6x6 saharien, de GMC, de SIMCA V8, de Jeep, de Renault 4x4 R2087 et d’un Wrecker doté d’un énorme 6 cylindres de l’Armée US, le seul qui n’ait pas été allumé durant cette période.
Transports de poteaux PTT de Lavelanet pour la construction du parcours du Combattant.
Pour un comble, c’en était un ! Le Capitaine du Camp avait négocié le don gratuit de poteaux de téléphone en bordure de la route de Lavelanet à Mirepoix à condition de les arracher et de les transporter. L’administration postale avait même prêté le cric mécanique pour la besogne. Ces rondins avaient servi à monter les obstacles du parcours du combattant qui n’a jamais fait l’objet d’une utilisation intensive. L’adjudant Mahdi était chargé de la coordination de la petite équipe qui partait dès les couleurs envoyées et rentrait enfin d’après midi avec le U55 et le 4x2. Bien sympathiques ces outils : le gros U55 et ses petits rétroviseurs, son beau 6 cylindres essence, sa boîte 4 vitesses un peu courte, sa direction bien démultipliée, ses freins corrects et surtout son appétit d’ogre. Le petit Renault était l’estafette à tout faire, la tenue de route n’était pas son fort mais il était très pratique et fiable. La discipline militaire était bien estompée et ces deux semaines de débardage sous un beau soleil étaient des plus agréables.
Le tonitruant GMC
Qu’ils étaient amusants à déstocker de leur immense garage. L’E30 s’amusait comme un fou. Une fois les chandelles enlevées, puisque ces chouchous étaient stockés sur cale, la batterie montée, un peu d’essence dans le réservoir, les papiers gras waterproof enlevés du filtre à air, contact et le Renault poussait. L’inertie des trois essieux nécessitait toute la puissance du vaillant tracteur agricole. Au bout de quelques dizaines de mètres le splendide 6 cylindres toussait dans un épais de nuage de fumée bleutée puis démarrait. Son sifflement caractéristique à l’accélération faisait bien voir que tout était en ordre. Ce jeudi avril le départ était prévu pour l’ERM de Muret. Manque de chance, à la mise en route le maître cylindre lâche ! Claude le mécanicien dit que c’est râpé pour aujourd’hui. Marko est très déçu. Partir en GMC, seul maître à bord, ce n’est pas rien. Ce ne sera que partie remise. Très vite il fallut transporter un détachement au camp de tir de Saint-Felix de Rieutord pour des exercices. Quelle tenue de route ! Pas de risque d’excès de vitesse, même si le compteur indiquait des miles le maxi ne dépassait pas 75 km heure. Le rayon de braquage était faible mais la direction était très bien démultipliée, les vitesses n’étaient pas dure à passer, même sans débrayer et en douceur ! Combien de fois ne l’avait-il pas fait le jeune 1ère classe. Un dimanche après-midi après le tir, ne lui vient-il pas l’audace de faire un tour dans le pré à côté du camp. Le spectacle dura un petit moment puis le klaxon soudainement s’est coincé… Par miracle l’officier de permanence ne s’aperçut de rien sinon il y aurait eu du violon dans l’air.
Ce remarquable camion plus adéquat en traction ou au treuil qu’en transport de charge a fait le bonheur de milliers de garagistes, de dépanneurs, de forestiers, d’agriculteurs lorsque après la guerre les surplus américains en regorgeaient. Plus de 800000 (dont 100000 pour la Russie !!!) avaient débarqué en Europe à partir de 1944. Beaucoup par la suite ont été équipés en Diesel, Ford ou Perkins. A Peillou lors d’un treuillage d’une énorme bille de chêne récalcitrante le pare choc du camion appuyé sur un arbre se tordait. C’est dire la puissance du treuil. Le forestier Loulou, en sortant du bois de l’île à l’usine s’était trouvé en fâcheuse posture. La passerelle sur le canal avait craqué et d’un peu le lourd convoi faillit culbuter à l’eau. Le puissant AEC des transports Meric vint le tirer de là. Quel spectacle !
La jeep, rêve, réalité, jouet.
Contraction de General Purpose (usage général) la jeep Willys était remarquable à bien des égards. Dotée de son moteur latéral, comme les Dodge, de ses quatre roues motrices avec boîte de transfert,elle était amusante à conduire, plus en tout terrain que sur route.
Là aussi c’était un jeu d’enfant de passer les vitesses sans débrayer et bien sur sans les faire craquer. Celle du camp Clauzel servait à faire des courses à Foix ou dans les environs. Tous les mois au même titre que les Dodge, GMC, Simca et Renault une dizaine de véhicules étaient déstockés puis partaient en convoi dans les environs pour une petite mise en forme. Lorsqu’il y avait du retard dans le programme, les véhicules tournaient sur place sur chandelle, une vitesse enclenchée.
Ce que n’aimait pas la jeep, c’étaient les démarrages brutaux sur route goudronnée car les demi-arbres de roues n’y résistaient pas. Le jour où c’est arrivé, une seule fois, l’incident fit du foin. Plus grave encore il est arrivé qu’une bielle soit coulée ! Les gradés ont failli s’étouffer puis avec patience le calme est venu. Il avait fallu par un bel après-midi que le bouillant Marko se distingue encore. Il s’amusait à traverser les grands fossés qui bordaient le camp, s’était arrêté pour contempler son engin en position acrobatique au moment où la 204 du capitaine et du commandant passe en inspection. Me voilà refait, se dit-il ! Hé bien non, pas du tout agressifs, les gradés demandent : Tout va bien ? Oui, oui j’inspecte le dessous…
Plus de 635000 de cet extraordinaire véhicule auront foulé le sol européen et auront connu bien des applications autres que militaires.
Les Dodge des frères John et Horace
Ce tout terrain pouvait être en 4x4 ou en 6x6. En 6x6 c’était le Saharien et il fallait accéder au poste de conduite par le côté droit car la grosse roue de secours se trouvait à gauche. Plus lourdaud que le GMC il grimpait néanmoins partout. Le démarrage se faisait au pied comme sur la Juva quatre.
Il avait aussi un appétit vorace, mais à l’époque le prix de l’essence était une notion très lointaine.
Beaucoup ont été également transformés en engins de dépannage et équipés au gaz ou de Diesel Perkins.
La motopompe Guinard et les piranhas apprivoisés.
Trop tentante était-elle cette belle machine équipée de son moteur Renault Frégate et d’un grand couvercle ovoïde. Située près du bassin qui était une réserve d’eau en cas d’incendie, elle avait très vite titillée l’imagination des biffins espiègles, qui n’eurent d’autre géniale invention que de servir du fameux couvercle comme pirogue ! Tout marchait à merveille. Quelles baignades dans cette piscine improvisée qui semblait retrouver une cure de jouvence. Par miracle aucun officier ne s’aperçut de la forfaiture, ce n’était pourtant pas faute de joyeux cris !
Pour les petits poissons rouges, il n’en fut pas de même. Dans ce tumulte extravagant quelques- uns périrent de cette forte houle et de quelques petits bombardements subreptices. Le lendemain, hélas, certains flottaient mais sans vie, le ventre en l’air.
C’était l’incident diplomatique. Le commandait étouffait… Le choc fut rude. Au rapport du matin l’admonestation fut des plus sévères. Les petits choux-choux avaient fait les frais des jeux aquatiques mais cela il ne le savait pas. Motus et bouche cousue. Tout ayant été bien rangé il supposait simplement que…Du coup la motopompe reprit sa place dans l’angle habituel. Après tout ce n’était qu’un petit arrosage, pardon petits carassins dorés.
Le permis à points.
Non, il n’était pas encore à points, il tombait cependant à point et il était vraiment au point.
Traditionnellement l’armée recrutait dans le civil et de ce fait avait des prérogatives, notamment pour la conduite des véhicules, qui lui conférait une certaine supériorité. Ainsi les éléments qui étaient sélectionnés pour devenir chauffeurs devaient repasser le permis version militaire, le civil étant tenu pour nul et non avenu. Le stage FRAC ayant été couronné de succès, la bonne nouvelle tombe en novembre : Marko et Dupin, direction Toulouse pour le transport en commun. Quelle bonne affaire ! Départ pour la caserne Cafarelli par le train et tout d’un coup ce fut une atmosphère on ne peut plus studieuse dans une grande salle austère de ce vieil établissement où planchaient les candidats. Il y avait beaucoup de bérets rouges, les fameux paras dont on les disait volontiers bagarreurs. C’était surement exagéré. Là, c’est vraiment sérieux, épreuve écrite du plus grand style. L’atmosphère est tellement tendue que l’on entend tout juste le bruissement du papier.
Dans la deuxième partie de la matinée, c’est la conduite en ville. D’aucun espéraient piloter le S45 SAVIEM. Pensez donc ! Encore le petit Renault à essence avec comme examinateur un officier para. Pour comble il y avait dans le bus d’autres passagers candidats et des démarrages en côte au feu rouge au bord du canal. Le calice jusqu’à la lie. A la fin comme tout s’était bien passé, le capitaine demanda : mais comment avez-vous fait, vous lui avez inculqué de la magie à cet autobus pour embrayer en douceur comme si c’était un embrayage hydraulique ?
-oh mon capitaine, dans les campagnes nous n’avons pas le pied si lourd qu’on veut bien le dire.
Dupin, lui, ne passait que le permis voiture. Trop heureux de son nouveau titre il fit de fréquentes haltes dans de nombreuses stations -services et à la gare trop tard, le dernier train pour Foix n’avait pas attendu. Quel calvaire ! Il fallut se résigner à partir en stop. Enfin le camp Clauzel recueillit les deux héros à une heure avancée. A nous les autocars !
Les V8 de la maison Piggozzi.
Si SIMCA avait été très présent dans le mode agricole par le biais de ses moteurs de la 8 montés sur les Pony et par la construction des tracteurs SOMECA distribués par la SEVITA, elle l’était également dans l’armée. Les camions Marmont étaient équipés des moteurs à essence V8 montés à l’origine sur les splendides berlines Beaulieu, Chambord, Marly, Trianon. Le bruit de ces gros cubes était très agréable, les voitures belles et les camions agréables à conduire. Ils avaient d’excellents freins et leur consommation de carburant n’était pas parcimonieuse. C’étaient des engins de transport de troupe, plateaux bâchés, dotés de banquettes rustiques.
Le car du petit baigneur.
Il y en avait des joujoux dans ce camp, notamment le car Renault 23 places motorisé avec le moteur de la Frégate. De Frégate il n’en avait que le nom, la puissance était faible, le freinage médiocre et la tenue de route flottante. Il fallait être très prudent en convoyant les officiers de Pamiers, St-Jean du Falga, la Tour du Crieu, Varilhes jusqu’au camp et vice-versa. La tentation était trop belle en cette fin d’après- midi de juillet de ne pas faire un petit plongeon à la piscine de Varilhes. Le véhicule militaire, sagement garé, pouvait bien attendre quelques minutes, non ? Ce ne fut pas du goût du commandant qui de passage avec sa voiture, intrigué de voir ce matériel d’état garé à une heure et un lieu indus, n’eut d’autre idée que de s’arrêter et de chiper le carnet de bord, incognito.
Lorsque le petit baigneur rejoignit le camp, frais et jovial, quelle ne fut pas sa surprise d’être vertement apostrophé par le sergent- chef de permanence qui lui demanda :
- peux-tu me montrer le carnet de bord ?
-L’autre stupéfait de ne pas le trouver dans la boîte à gants de s’écrier ; il n ‘y est pas !
- tiens le voilà de la part du commandant, convocation demain matin à 8h 30 !
Aïe pour mes galons, se dit l’impétrant, heureusement que je n’en ai pas beaucoup…
Le lendemain matin.
-Alors comme ça on dérobe du matériel national !! Tu te rends compte si ce car avait été emprunté où l’aurait-on retrouvé, peut-être à Strasbourg ?
-Oh, mon commandant, pas cette trapanelle, personne n’en voudrait pour faire un si long trajet !
-Hé bien pour te punir de ton inconduite tu feras quatre jours de « rab ». Tu ne seras libéré que le 4 août.
Ouf, l’algarade avait été tempérée, le permis était intact.
Toujours de la motorisation Renault.
Les gros chariots élévateurs Armax étaient équipés eux aussi du moteur culbuté (rien d’une culbute !!) Renault “Frégate”. Lourd, équipé de roues jumelées à l’avant il était plutôt sous motorisé mais rendait de menus services pour déplacer quelques caisses de ci de là.
Le 4x4 Renault était autrement plus amusant surtout en tout terrain. Un hangar en regorgeait et c’était souvent que les opérations de ravitaillement à Toulouse se faisaient avec l’un d’entre eux. Lent, certes, mais beaucoup plus stable que la camionnette classique, avec ses gros pneus. Au retour, Marko et son coéquipier se garaient souvent au relais des Baccarets et partageaient un moment de convivialité avec le monde du transport civil.
Même en hiver, il faisait bon dans la petite cabine sans vitre latérales et simplement bâchée sur le toit. Le vaillant moteur de la Régie (la RNUR) transmettait bien sa chaleur dans l’habitacle pour la plus grande joie des petits routiers militaires.
Incident de tir.
Ils l’avaient pourtant souvent répété les gradés : si vous avez un pépin, quel qu’il soit pendant le tir, ne vous retournez surtout pas, restez face au stand et dites ; incident de tir. Peine perdue, ce brave Carrucci pour on ne sait quelle raison avait mal positionnée sa main sur le PM et se prit une douille dans la gras du pouce. Une babiole, quoi ! Mais quelle trouille pour la section car il se retourna et s’écria, je me suis fait mal ! Tout le monde à terre, grands cris du chef puis demande d’un volontaire pour transporter l’éclopé à l’hôpital Larrey à Toulouse. Rien que ça ! Marko volontaire et direction la métropole avec la 2CV Citron. Ce ne fut pas triste, ce pauvre égratigné qui n’arrêtait pas de se plaindre et la Citron qui ne dépassait guère le 75.
-Arrête toi à l’hôpital de Muret gémissait le balafré, je n’en peux plus.
-Tu n’y pense pas, rétorquait le chauffeur, pas chez les civils, pour sûr nous irions en cellule. -Ce n’est pas si terrible ton truc, ça na saigne même pas.
Plus d’une heure il croupit dans la salle d’attente le jeune blessé. Marko congédié par les instances était reparti depuis un bon moment. Le deuxième classe Carrucci revint le surlendemain avec une main comme neuve.
Ambulance improvisée.
Ce tube HY Citroën, quelle merveille ! Livré tout neuf au centre il était astiqué comme un astre par les petits génies du Génie. Quelle stupide idée avait eu le soldat Carvaillac d’emprunter une R4 un soir de permission pour rallier le camp après une nocturne houleuse à Pamiers. Mais voilà, l’esprit était en peu brumeux et la pauvre fourgonnette désorientée heurta violemment un pylône. Les boulons du plombier propriétaire de l’auto gisaient épars dans l’habitacle, la voiture et le conducteur avaient beaucoup souffert. Ramassé par une patrouille de la maréchaussée ce dernier fut conduit à l’hôpital puis transféré à Larrey.
Même évadés l’armée soigne ses ouailles dans ses établissements privés. Résultat, multiples fractures à la jambe droite. Quel foin dans les coursives !!!
Et Marko ? Encore de corvée avec le fourgon HY pour aller chercher l’impétrant à Toulouse et le ramener après interrogatoire. Le garçon, assis sur un fauteuil, la jambe calée tant bien que mal, empêtré dans cette situation sordide n’en menait pas large. Plus que jamais ce jour-là, embrayage et boîte de vitesse étaient mené avec une douceur inégalable.
Probablement congédié avant terme, plus personne ne s’occupa de son sort.
L’ambulance de fortune se rappellerait longtemps sans doute ce transport exceptionnel.
Challenge inter armées : Peugeot ou Jeep ?
Pour la grande fierté des supérieurs du camp et le bonheur des récipiendaires, la demi-finale régionale du challenge de la prévention routière avait consacré l’équipe de Foix pour la finale à Toulon. Pour l’entraînement, le commandant avait dit à Marko : feu vert, conduite à volonté, quel véhicule choisis tu ? La Jeep, bien sûr !! Derrière les hangars, les gymkhanas allaient bon train. A Toulouse, ô stupeur, le Général arrivé en retard fait demander à Marko de refaire l’épreuve devant toute la caserne.
-au moment des félicitations, le haut gradé de s’écrier : ma parole, on dirait que vous avez participé à l’épopée de débarquement.
-Oh, mon général, la valeur n’attend point le nombre des années…
En avril direction Saint-Mandrier sur Mer où les 83 finalistes furent accueillis par les “mat’ d’af” avec force égards. Si les tests du code de la route se passèrent bien, le trajet truffé de pièges fit perdre beaucoup de points. Quelques encablures après la caserne, l’équipage s’aperçût que quelque chose clochait.
-André nous avons dû nous tromper, regarde nous croisons plein de concurrents alors que d’après le plan nous circulons tous dans le même sens ! (Dupont et Dupond dans le désert en somme). Aussi avec cette grosse erreur, plus de chance de participer à la grande épreuve de Dimanche. Seuls les dix premiers du rallye ont concouru devant toute la caserne et les deux premiers sont repartis avec une voiture neuve, livrées sur la plage par péniche de débarquement ; une R4 et une Simca 1100. Quel festival ! Lot de consolation pour les autres équipes, une montre et quatre jours de permission.
L’accueil du retour s’il ne fut pas triomphal, fut néanmoins joyeux.
Messidor, temps des moissons.
Un jour de permission, Marko avait rencontré Gérard des Baudis qui lui avait dit :
-Tu as vu dans le 09, il y a une annonce d’une entreprise de battage à Rieucros qui cherche des chauffeurs.
-Ah merci du renseignement, pensez bien que je vais y faire un saut à la fin d’une journée. Aussi en soirée avec la petite mobylette Peugeot 102 le trajet ne fut pas bien long pour arriver à Rieucros et même un peu après Besset à cette ferme où il y a un Vierzon sous le hangar. Non, Il fallait aller juste à Rieucros chez Serge. Trop tard lui répondit le chef d’entreprise, j’ai l’équipe au complet mais au cas où, si tu es libre début Août je saurai où te trouver.
Vers la fin Juillet, quelle surprise, Marko est appelé à l’entrée du camp. Serge est là.
-Bonjour mon gars, j’ai une place libre, je t’attends dès que tu es libéré.
-C’est d’accord au 4 dans la matinée, je suis chez vous et je vous remercie.
C’était inouï, les vacances aux frais de l’Etat tiraient à leur fin, les émissaires de Cérès se mettaient à débaucher dans les rangs de l’armée et des marques prestigieuses comme Claas attendaient impatiemment leurs chevaliers. Adieu Mars, à nous les grains nourriciers d’épeautre, de méteil, de seigle, de blé….
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