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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 22:00

 

                Une journée de battage à Peillou

 

 

Plus belle fête que la moisson il n’y avait pas. Même si elle représentait une grosse corvée avec le dépiquage, c’était la récolte du blé qui s’annonçait. Aliment nourricier de base, le blé à toujours été au travers des âges un symbole.

L’arrivée de la batteuse était attendue avec impatience et lorsque le bruit du magnifique Hanomag qui tirait l’énorme machine était repéré à l’approche de la ferme, l’excitation était à son comble.

Comme de coutume dans toutes les contrées, tout le voisinage prêtait main forte : Patrac, les Gaillardous, le Cap de la Serre, Manaud, Coustances, La Bourdette. Le père Barthet de Betchat, grandiose dans ses manœuvres, mettait en place ses grandes mécaniques. La batteuse était logée dans la cour derrière les bâtiments des étables. Soigneusement calée, le gros tracteur était ensuite mis en ligne puis c’était au tour de la grande courroie d’être placée, légèrement tendue. Le gros Diesel était calé avec le fameux cric batteuse. Les premiers essais pouvaient avoir lieu. Derrière la batteuse, en général, le propriétaire du matériel mettait la presse à paille (Rousseau, Braud, Rivierre-Casalis, Carroy-Giraudon, Vendeuvre) mais à Peillou Père mettait l’énorme botteleuse Claas. Cette rare machine avait une poulie latérale prévue pour l’entraînement à poste fixe. Comme elle était aussi équipé d’un long monte bottes c’était autant de gagné pour la confection du paillé. Tout cet ensemble était impressionnant.Le convoi comprenait aussi une roulante, une caisse sur roues, renfermant courroies, agrafes, huile, graisse, crics, cales. Inutile de dire que si les gamins étaient moyennement appréciés dans les parages de cette grosse, poussiéreuse et bruyante industrie, leur curiosité était tellement avivée qu’ils étaient toujours là. Elle était montée sur roues fer, donc antérieure à 1954. Vers    la mécanique démarrait. Comment se composait l’éblouissante équipe ?

-le maître de forge ; tout à la fois chauffeur, mécanicien, graisseur, surveillant.

-l’homme du batteur

-les pourvoyeurs, en général deux

-les forts des halles aux sacs : 3 à quatre selon l’éloignement du grenier

-les passeurs de bottes

-les spécialistes du paillé, 3 à 4.

-l’évacuateur des balles.

Le-battage-a-Peillou-copie-7.jpg 

Malgré la chaleur torride, les hommes ne renaclent pas.

 

Pour la presse à fil de fer, il fallait 1 ou 2 hommes pour passer les aiguilles et le fil de fer pour le liage.

Attention au départ, lançait le tractoriste ! La poulie était embrayée avec doigté. Le Diesel de Hannovre, déjà chaud, prenait ses tours ; batteuse et botteleuse prenaient leur régime avec force vacarme. Dès que les premières gerbes soigneusement étalées sur la table, étaient goulument avalées par le batteur, la machine se stabilisait à son régime nominal, le puissant moteur régulait, les combustions s’équilibraient, la poussière s’élevait aussitôt, le grain commençait à couler. Le scénario avait beau être toujours le même, il n’était que de voir la tension se refléter sur les visages des fins et passionnés manœuvriers. C’est que l’on ne plaisantait pas avec dame Cérès, le blé c’est le blé.

Tout fonctionnait pour le mieux. Pére Barthet surveillait d’un regard de lynx toute cette grande machinerie. Il fallait avoir l’œil sur l’admirable R45 (attention à la surchauffe et à la pression d’huile), à la tension des courroies, au nouage des bottes, au bon réglage de la ventilation. Gare si le propriétaire trouvait du grain dans la balle ou s’il était mal nettoyé !

De temps en temps en sortie de la poulie motrice il appuyait un gros bâton de poix pour renforcer l’adhérence de la courroie principale. Alors elle se mettait à crépiter. Quelle beauté cette gigantesque courroie, remarquable dans sa flèche sur le brin mené et sur le “clap” si caractéristique au passage de la barrette de jonction aux poulies.

Tout un chacun avait un rôle délicat. L’enfourneur au batteur, était la plupart du temps en plein soleil. S’il faisait passer top de récolte à la fois le batteur grognait, la courroie pouvait même sauter. C’était alors un petit temps de pause mais il fallait vite remettre en route.

Aux sacs, pas question de perdre un grain. Deux sacs pour le grain propre et un pour les impuretés (les ôtons). Les grainetiers surveillaient la propreté du grain et l’absence de brisures. C’était la coutume d’en mâchouiller un peu pour apprécier sa qualité boulangère. En général un sac bien rempli c’était 80 kg, que le costaud se mettait sur le dos avec l’aide de son collègue et le montait dans un grenier qui comme par hasard n’avait pas une échelle des plus irréprochables. A Peillou les sacs étaient entreposés sur une remorque puis montés au grenier avec câble et tracteur.

Le-Diesel-au-levage-des-sacs-copie-2.JPG

Le diesel au levage des sacs.

 

Qu-il-est-beau-.JPG 

 Toujours le Diesel, facile à reconnaître. Il est neuf.

 

Le-3042-essence.JPG

                    Le 3042 à la délicate manoeuvre des sacs.

Au paillé quand la récolte abondait, ca ne rigolait pas non plus. Le confectionneur était un spécialiste. D’ailleurs dans les tournées, chacun conservait en principe sa place. Les bottes ne se rangeaient pas dans n’importe quel ordre et il fallait au final finir en forme de toiture pour l’écoulement de la pluie. Dans une grosse journée de travail, 300  sacs pouvaient sortir des goulottes. C’était avec les plus grosses batteuses, les

journaliers étaient souvent payés au sac. Dans les petites fermes “d’élevage” la batteuse pouvait être déplacée 2 fois par jour : deux fermes le matin, 25/30sacs et l’après midi 80 à 100 sacs.

A 7 heures, après un solide casse croûte, c’est le début du battage. C’était alors au tour du pâté, du jambon, du saucisson et du petit canon d’être bousculés!

A midi, grandes ripailles. Dans un tintamarre déclinant la machine s’arrêtait. Les hommes plus poussiéreux que des mineurs sa passaient un peu d’eau sur la figure et s’avançaient vers la grande table, à l’ombre des arbres. Déjà, de bon matin les cuisinières s’étaient aussi de leur côté mises au travail. Le traditionnel bouillon était apprécié des estomacs des vaillants travailleurs. Viandes, légumes, dessert et café se succédaient. Dans ces instants de délassement mérité, la bonne humeur était de mise et les plaisanteries fusaient de partout.

Puis il fallait repartir pour une longue après-midi. La chaleur en ces étés ensoleillés était souvent accablante mais quoi ? La terre aurait pu devenir cendre ou poussière, rien n’avait d’importance que l’appétit glouton du batteur, le splendide bruit du Diesel de Hannovre, le chahut des engrenages, le sifflement des courroies, l’air pulsé dans les tables de secouage, l’écoulement de l’or dans les sacs de jute et le halètement du piston de la Claas. Les dépiqueurs, fiers et dignes, étaient convaincus de leur noble tâche. Le maître de maison n’oubliait jamais d’abreuver généreusement les coéquipiers et le célèbre poron circulait de main en main. Quel réconfort et quel auguste geste de boire à la régalade !

Il n’était pas rare, dans les grandes fermes, que la batteuse reste plusieurs jours si la récolte était abondante. Alors le soir, à l’extinction des feux, la grande courroie était enlevée, les alentours de la machine étaient nettoyés et le beau tracteur faisait l’objet d’un soin jaloux. Il fallait, surtout à chaud, dépoussiérer la grille du radiateur.

Si la machine repartait alors c’était le démontage : enlèvement des courroies, des cales, nettoyage, attelage.

Le paillé fini avec maestria était souvent clôturé par un petit bouquet.

Le diner se terminait tard et dans quelle ambiance ! Une bonne journée venait de se finir, le lendemain c’était au tour de la ferme voisine d’être dépiquée.

L’exceptionnel équipage prenait le chemin du retour….

O blé, céréale chérie, tu as souvent fait folier les hommes, mais de grâce, tiens bon, ils t’ont tellement besoin !

 

                                  

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