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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 20:48

Départ pour Vizille et Villeurbanne en Henschel HS 19.

 

 


Chaque année Cyrrhus allait en vacances à Vougy, à coté de Roanne. Courant août 1968 il demande à son père: tu pourrais me trouver un camion qui va vers Lyon ou Roanne?
-pas de problème, je te donne une réponse ce soir.
Le soir venu, la nouvelle tombe; départ dimanche à 6 heures avec Antoine Garcia, dit Pepito, direction Vizille puis Villeurbanne. De là tu prendras le train pour Roanne, ca te va?
-parfait, c'est impeccable.
Ce dimanche matin était un jour historique avec un vétéran de la route, qui plus est en Henschel 4 roues, moteur dehors! Quelle merveille!
Cet Henschel (450 AL 09) gris bleu, en parfait état datait peut-être de plus de 15 ans mais était de toute beauté. Et quelle cabine, comme neuve, astiquée comme un bijou, des tapis épais, une grande banquette qui servait aussi de couchette, un tableau de bord de navire aux grands cadrans, des filets élégants au dessus du pare brise pour mettre des menus bagages et volant et levier de vitesse, ah eux, des monuments. Les grandes pédales? Comme on n'en verra plus! Avec Pépito le courant est vite passé. L'homme fort expérimenté est jovial et ne s'en laisse pas conter. Monde de la route, attention, les sudistes déboulent.. Il venait des transports Lemasson puis s'étant brouillé avait opté pour la grande écurie Méric de forte notoriété.
Ce matin là, il fait très beau. A 6 heures, le démarreur à peine chatouillé, le splendide 6 cylindres démarre. Le lourd convoi sort majestueusement du garge fort en pente. Passage très délicat car si la maneuvre est loupée, la rivière à 10m en contrebas à déjà recu dans son lit un malheureux équipage.
La grande bâche bleue en toile rêche est repliée à l'arrière en triangle au dessus de l'épaisse ridelle.
Alors pour ce trajet que portons nous?
D'abord une machine chargée à Lédar pour les papèteries de Vizille et des sacs de graniteau pour une usine de Villeurbanne.
-Il y a du poids, on dirait, non?
-je te crois, sans doute un peu de surcharge!
En fait tout le long du trajet, nombreux ont été les gémissements du chassis et du gréement. Le moteur, pensez, lui, d'attaque!
-la direction, comment elle est Pepito? Oh pas dure, sauf dans les maneuvres, elle est très démultipliée. Les vitesses non plus, tu vois, mais c'est un outil qui n'est pas rapide; tu verras pas plus de 70 km/h. Puis c'est un peu bruyant.

 

Ah pour ca, oui, il fallait presque crier pour s'entendre.
-Ca te plait, les camions, ca se voit.
-oh, que oui, mais pour le moment je suis plutôt dans les tracteurs agricoles.
A midi, 180 kms parcourus, repas à Coursan. Vous connaissez? Sur la N113 , le premier patelin après Narbonne. De ce temps là, il n'y avait pas beaucoup d'autoroutes en France: celle du nord (Paris Lille) Lyon Marseille Nice, Avignon Montpellier et c'était à peu près tout. Côté Ouest, Angoulême et Poitiers étaient déviées, Bordeaux et Toulouse, point du tout. Les nationales 7, 10,113,117,86,89 des légendes...
L'après midi s'étire tranquillement. L'Henschel tient le cap. Son puissant moteur donne tout son coeur. Un petit arrêt s'impose à la célèbre Vitarelle. Cyrrhus est fier de descendre de la belle cabine avec le brave Pépito. Les regards admiratifs convergent vers le beau et exceptionnel camion: on n'en voit plus sur les routes comme celui là à part les trois de chez Méric: le tracteur 605 BG 09(ancien 4 roues transformé par les intrépides mécaniciens), l'autre 4 roues 587 L 09 et sa remorque 588 L 09. Les cabines avancées sont déjà légion sur les routes (Berliet GLR,
Unic, Saviem JM à moteurs Henschel eux aussi!)

Le soir souper aux Blaches à Montélimar. Les hommes de la route ont bon appétit. Les envieux demandent à Pépito:
-d'où sors tu ton antiquité, tu as pris un navigateur avec toi?
-oh, tu en voudrais une antiquité comme celle là, un million de kms dans le coco, tu peux pas en dire autant avec ton clou!
Quelle ambiance!
A Valence, direction Grenoble: Roman, Saint-Marcellin, Tullins, Fures. Après quelques petites haltes pour dormir un peu, le lourd véhicule poursuit sa lente progression. C'est l'été, il y a du monde, dans les côtes la file des voitures suiveuses s'allonge.
-vous avez vu, Pepito, il y a du tourisme derrière, c'est pas tous les jours qu'ils verront un Henschel rouler comme nous.
-bé, tu peux le dire, c'est encore plus spectaculaire que le salaire de la peur!
Peu à peu le jour se lève.
-Pepito, dès que vous pouvez, arrêtez vous; il faut que je vidange..
Grenoble est en vue. Par où faut-il passer? Pépito se fie à son instinct mais sur un grand boulevard, Cyrrhus lui dit:
-Pépito, je crois que nous nous sommes gourrés, nous allons en direction de Chambéry alors qu'il nous faut aller vers l'Alpe d'Huez. Les stations de ski, ce sera pour une autre fois.
-Ah m..... tu as raison: Vizille c'est un peu avant la fameuse côte de Laffrey. Allez au prochain feu demi-tour sur place. Il aurait fallu voir les regards éberlués des automobilistes en voyant cet énorme et antique vaisseau nimbé de bleu tourner au carrefour. D'un peu on aurait presque entendu des applaudissements. Même la maréchaussée en poste à cet endroit ouvrait la route. Quelle gloire!

Enfin, la belle Vizille est atteinte: la papèterie n'est pas difficile à trouver. L'accueil est chaleureux: la lourde machine est vite déchargée, puis départ vers Villeurbanne pour livrer le graniteau. En début d'après midi Cyrrhus doit quitter avec un brin d'émotion le magnifique clipper et son ami Pépito.
-b..... tu vas me manquer.
-vous aussi mais nous nous reverrons à Saint-Girons. Et le camion, ne le prêtez à personne.
-additiats!
Allez, maintenant la gare de Perrache, en taxi, pourquoi pas? Quel confort et quel silence dans la 404 en comparaison du tonitruant moteur Lanova. Le train Genève Bordeaux (moteur De Dietrich) dépose le jeune voyageur à Roanne à la nuit tombante où son oncle Jean vient le chercher.
Quel accueil dans la famille; alors tu es venu en camion?
-m'en parlez pas, avec un bahut comme il n'y en aura plus et un chauffeur comme les marins au long cours.
Il était loin de se douter, l'intrépide Cyrrhus, dans son sommeil étoilé, que guidé sans doute par l'étoile de la firme Henschel, il rentrerait quelques années plus tard dans la galaxie de Kassel, oui celle de l'étoile à cinq branches fièrement arborée sur les calandres.
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