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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 20:30

 

 

 


 

 

 

 

Sur la route des papiers fins et soyeux avec le Renault R 551

 

Les papeteries de Lorp et de Pourlande fabriquaient des papiers fins de 18 à 120g au m2, frictionnés ou apprêtés depuis la révolution. Les deux sites nécessitaient beaucoup de transfert de marchandises. Pendant longtemps le Citroën P 45 était l’engin adéquat. Il partait même de temps en temps en livraison vers la côte. Puis vint le tour du Berliet 5 cylindres à benne, 338 CK 09, et de l’Unic cabine avancée jaune, 441 BA 09. Le Berliet servait intensivement pour amener le bois du parc à la coupeuse de l’usine à pâte dite « Marcoule » où la pelle Poclain TY 45 le déchargeait. L’Unic à plateau convenait bien pour transborder les vieux papiers ou la pate qui arrivaient par wagons et destinés à Lorp. Régulièrement le joli camion allait aussi à Orthez à la SAPSO livrer les presses à rectifier. Le jour arriva ou il fallut se poser la question de les remplacer et par quoi ! Pourquoi ne pas opter pour un tracteur et des remorques semi portées ? Après tout le port de Rouen utilisait bien aussi des tracteurs agricoles pour déplacer les remorques à Wagons. Les concessionnaires Mac-Cormick et Renault étaient sur les rangs. Finalement, Gérard Dedieu, Renault, remporta le marché : un  R 551 avec cabine (Buisard ?), deux remorques basculantes Audureau et un giro broyeur Jean de Bru pour l’entretien des bas-côtés, de l’ile et des prés. Ce matériel flambant neuf était de toute beauté. Nous étions au printemps 1977. Les camions mis en vente s’arrachèrent presque et firent le bonheur de Pierrot Delqué et de Dedieu-Bergère. Le tracteur, toujours en service réduit à ce jour s’est montré exemplaire. Sur les deux remorques une ne servait presque jamais. Quant à l’autre, ce sont des milliers de tonnes qu’elle a transporté. Avec ses grosses roues qui faisaient penser à celles d’un avion, elle ne craignait pas la charge. C’étaient facilement 7 à 8 tonnes que l’on y embarquait à l’usine de Lorp pour être déroulées et découpées en formats à Pourlande sur la vorace coupeuse Jagenberg. Au quai de Lorp la manœuvre était un peu spéciale. Les roues montaient sur une petite marche et au passage du chariot élévateur l’attelage bougeait souvent et malgré frein et vitesse passés au tracteur il arrivait qu’il avance. C’était dangereux…Alors les couturiers de la forge avaient soudé une grosse chaine qui venait s’enclencher sur un anneau à l’arrière de la remorque. Ainsi la sécurité était assurée et le gîte, parfois scabreux, était maîtrisé. A Pourlande la hauteur du quai était la même que la remorque et les manœuvres moins délicates. Un mot des chariots élévateurs ? Dans le monde industriel et portuaire il y avait deux marques de forte notoriété : Clark et Fenwick. D’ailleurs, par déformation, on entendait souvent clariste au lieu de cariste.

Ici à l’époque il y avait eu un élévateur Salev à moteur essence Renault, puis des Fenwick à moteur Indénor et Perkins, puis un Saxby Diesel Renault, puis un Komatsu et enfin un Nissan en 1989. A Pourlande il y avait deux Clark électriques à la solidité époustouflante. Comme quoi la traction électrique était en avance.

Le 551, direction hydrostatique, moteur MWM 3 cylindres se plaisait bien dans cette atmosphère de bobines, de rognures, de pate à papier (Ustanjo, Backammar, Tarascon…) ou lorsque il faisait tourner allègrement le giro broyeur Jean de Bru et que les parcelles soigneusement tondues faisaient se nicher les deux usines dans un écrin de verdure. Très vite il apparut que le plancher de la remorque ne résistait pas au passage intensif des lourds élévateurs surtout ceux de Pourlande avec leurs roues pleines. Longerons et traverses gémissaient tout leur soul, se pliaient et les soudures lâchaient. Encore une fois les couturiers doublèrent la tôle du plancher après avoir redressé et soudé les étrésillons. Les pneus, eux, n’avaient cure de la charge. Chaque bobine ayant son poids marqué sur son étiquette, il était facile de voir que la charge atteignait 9, 10 ou 11 tonnes. La coupeuse avalait à cette époque  5 tonnes par jour, il fallait souvent descendre des palettes prêtes à vendre à l’annexe de Lorp, descendre de la pâte ou des vieux papiers, le Renault ne chômait pas. Pour atteler, quelle commodité. Avec le crochet « Ferguson », la manœuvre ne manquait pas d’élégance. Un samedi matin débarque un semi des transports Lompech qui amenait du sulfate d’alumine. La conductrice, effrayée de l’étroitesse de la passe de Lorp, loupa l’entrée malgré les exhortations du passeur. Il fallut donc stopper l’attelage, décharger sur le côté et une fois l’immense barge vidée, le vaillant MWM la ripa en deux temps trois mouvements. Le vaisseau s’engagea dans l’étroit goulet et repartit vers un nouveau périple.

Lors de la démolition de l’ancienne usine de pâte, les ferrailleurs ne pouvaient venir à bout du hangar qui semblait les défier. Tous les piliers étaient coupés à la base et  avec un très long câble attaché à l’un d’eux  le Renault d’un coup de collier fit abattre l’énorme hangar dans un bruit d’enfer et un gigantesque nuage de poussière. C’était plutôt triste.

Depuis quelques temps, Marko avait une idée en tête. Pour gagner du temps, pourquoi ne pas trouver une remorque plus grande et économiser un voyage sur deux.

-allo, les grands bleus, Bernard tu pourrais me prêter la grande remorque à 4 roues, je voudrais faire un essai entre Lorp et  Pourlande ?

-tu crois que tu pourras la tirer ?

-il y aura deux passages difficiles : la montée sous le hangar de Lorp et la descente au quai de Pourlande.

- pas de problème, je te l’amène et tu te débrouilles !

Faut-il préciser que cette grande routière à 4 roues risquait de poser la difficulté de l’adhérence du tracteur puisque n’étant pas semi-portée. Enfin qui vivra, verra. Déjà pour l’amener à Lorp son poids bien supérieur à celui de l’Audureau se faisait sentir. Pour sortir du quai, tout se passe bien mais à peine le hangar atteint, le patinage est là. Forcément il n’y a aucun poids sur les roues motrices et plus de 15 tonnes à trimballer !!

-voyons Claude, je ne peux monter, tu vas essayer de me tirer avec le Nissan. Si tu vois qu’il fait du surplace, c’est que le convertisseur hydraulique est à fond de cale, il ne faut pas insister, il pourrait y avoir de la casse. Hé bien à peine le câble tendu le Nissan décolle le 551 et son imposante remorque. Chauffeurs et vitesses étaient bien en phase. Le plat était atteint. C’est souvent ca, dans les remorquages, du doigté, de la synchronisation, de la puissance en douceur.

-merci Claude.

Le remorqué, largué, reprit son itinéraire vers Pourlande. La deuxième étape ne s’annonçait pas moins cruciale. Jusqu’à la petite descente vers le quai, tout était en ligne, pas le moindre frémissement. A peine la déclivité entamée, bonjour les dégâts la remorque embarque le Diesel. Plus rien à faire. Heureusement l’attelage ne s’emballe pas, il n’y a plus qu’à guider pour être à quai bien à la perpendiculaire. La direction hydrostatique aide beaucoup. Cette tentative exceptionnelle échoue, en bien, il fallait bien la faire mais c’était plus que tangent.

Pour la saison des foins le Renault était requis. Henri venait faucher, andainer  et presser. Comme il n’y avait pas loin du pré à la grange l’Audureau suffisait amplement et c’étaient de très beaux cubes que les experts des balles semi densité empilaient sur le plateau.

Oui R 551, produit à 17362 exemplaires (5647 pour le R 551 S) tu as fait partie des fleurons de la division du matériel agricole Renault, pas une fois tu n’as manqué à ta noble mission. Cajolé dans ta remise de Pourlande, tu as rejeté les griffures de l’outrage des ans.


 

 

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Petite remorque mais beau chargement!

Petite remorque mais beau chargement!

Le voici, modeste dans ses apparences mais vertueux....

Le voici, modeste dans ses apparences mais vertueux....

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